Voici la traduction en français de la longue explication de Steve Shore sur la nova Del 2013... enjoy!

Cordialement,
Olivier Thizy
Vous ne verrez plus des étoiles comme avant !
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[ndt: Steve a indiqué précédemment qu'une détection gamma a eu lieu sur la nova Del 2013, découverte optiquement le 14 août 2013 et suivi depuis en spectroscopie par des dizaines d'amateurs. Ce document date du 21 août, soit une semaine environ après la détection optique]
la nova Del 2013 se situe à un niveau d'énergie au dessus de 100MeV. Pour information, c'est le niveau d'énergie où les processus thermiques ne sont plus pertinents et où des phénomènes relativistes se produisent.
Cette détection en fait la deuxième nova classique (le troisième en prenant nova Sco 2012 dont la nature reste incertaine). La première est V959 Mon = nova Mon 2012 [ndt: dont les premiers spectres étaient amateurs et réalisés lors du stage spectro de l'OHP] bien que la détection en gamma se soit faite alors que la nova était invisible car cachée par la proximité avec le Soleil.
La première nova détectée, V407 Cyg = nova Cyg 2010, est comme RS Oph (probablement) une nova récurrente qui a explosée dans le vent du compagnon, une géante rouge, donc c'est un phénomène physique très différent qui a accéléré les particules et élevé l'énergie à un niveau final similaire.
La luminosité de nova Del 2013 est environ 1/3 à 1/4 celle de nova Mon 2012 à son maximum. Si les novae sont des sortes de "chandelle standard" dans le domaine des rayons gamma, cela implique une plus grande distance (dun facteur au moins de 2), positionnant nova Del 2013 à 6-7kpc. C'est un problème car la nova n'est pas dans le plan galactique et une telle distance est significativement au delà la distribution attendue pour les candidats de la population principale. Ces valeurs en font aussi une nova particulièrement lumineuse et c'est un problème.
Les rayons gamma sont générés par différents processus, tous impliquant une accélération d'électrons ou de protons à des niveaux d'énergie qui répartissent le domaine visible et l'UltraViolet dans des domaines élevé d'énergie de plusieurs MeV. Ou les protons entrent en collision et émettent des pions (rappelez vous que ceux-ci forment la "colle nucléaire", les mésons qui maintiennent la cohésion du noyau atomique) dont la désintégration se situe à ces niveaux d'énergie, mais pas beaucoup plus.
Il semble y avoir des indices qui indiquent des niveaux d'énergie plus importants, ce qui favorise le processus relativiste de diffusion des électrons à des niveaux d'énergie élevés. A noter que c'est en fait le processus inverse connu depuis le début de la physique moderne comme la diffusion Compton: un électron capte un photon de basse énergie mais le réémet à un niveau d'énergie élevé dans le référentiel de l'observateur.
Pourquoi cela est-il important? L'origine des rayons cosmiques est un problème non résolu depuis bientôt un siècle, en fait depuis qu'on les a découvert. Ces particules doivent être accélérées probablement par des sources stellaires comme les sunernovae, mais le processus réel est encore imcompris. Si même des "petites novae" peuvent le faire, cela rend encore plus probable que les forts chocs de supernovae – celles où la matière éjectée frappe brutalement la matière interstellaire environnant – produisent des rayons cosmiques encore plus facilement.Les gens qui travaillent sur les particules astronomiques en salivent car on a alors quelque chose à une échelle humaine et non plus galactique.
Une autre raison est la présence probable de chocs internes et des collisions entre des fragements de l'éjecta. Il est bien connu, et cela ser verra dans les semaines à venir, que les éjecta ne sont pas uniformes et ne sont pas homogènes, ils sont formés d'un grand éventail de masses et de densités; ceux-ci apparaîtront quand les spectres montreront de multiples absorptions dans les principales raies en émission (série de Balmer, Na I, Ca II, Mg II, Fe II).
Mais c'est juste le début, les prochaines semaines vont révéler la structure de ces éjecta. Si ces chocs vont entrer en collision entre eux, l'éjecta peut alors être le site même de l'accélération; cela devient alors un phénomène générique (!) des novae dépendant uniquement de l'énergie disponible et de la masse. Nous n'avons pas encore la réponse à cette question, et c'est l'une des raisons des mesures spectroscopiques de l'effeuillage lent des différentes couches, observations à laquelle vous participez tous et qui est si importante.
La problématique suivante est la luminosité et la distance. Pendant cette phase opaque, en supposant un recouvrement complet (en d'autres mots, une sphère de gaz entourant la naine blanche), l'éjecta est très efficace pour absorber tous les photons qui viennent soit de la naine blanche en dessous soir de parties interne de l'éjecta. Nous ne voyons donc que la partie qui émerge dans un domaine spectral où l'opacité est la plus basse.
C'est le domaine visible et un peu d'UV. La plupart de la lumière, en supposant toujours une structure sphérique, apparaît dans des domaines sur lesquels vous travaillez: 3000-9000A. C'est une sorte de "colorimètre" ou "bolomètre". Nous voyons en fait quasiment l'ensemble de l'énergie émise mais qui est décalée ou concentrée dans le domaine visible. C'est une des raisons pour lesquelles les novae se mettent à briller en premier lieu: l'expansion refroidit le gaz qui devient opaque dans l'UV et quasiment transparent dans le domaine visible (comme une sorte de photosphère). Si nous mesurons donc le flux total dans le domaine visible et Infra-Rouge, et que nous connaisson la distance, nous avons la luminosité absolue ou en tout cas ce qui est intercepté.
Il y a une sorte de limite pour la luminosité maximale d'un objet sphérique homogène et non transparent: la pression de radiation rend les couches instables puisque l'accélération est direcement opposée à la force de gravité. Cette limité appelée pour des raison historique la "luminosité d'Eddington" est celle qui justement équilibre la pression de radiation et la gravité des constituants (électrons...).
Cette limite (écrite: L_edd) est d'environ 34000 luminosité solaire pour une naine blanche de 1 masse solaire, et augmente avec la masse (car la pression de radiation vient vraient contrebalancer le poids de la masse sous l'effet de la gravité).
Si la distance de la nova Del 2013 est celle de nova Mon 2012, environ 3.5kpc, alors la luminosité implique une masse de la naine blanche d'environ 1.2 masse solaire. Si c'est au delà de 6kpc, c'est plus difficile à expliquer. Mais il n'est pas complètement impossible que la nova soit si brillante qu'elle soiten fait instable même pour une naine blanche à la masse limite (appelée masse de Chandrasekhar, bien que Chandra lui même ne soit pas très massif). L'astuce est que si l'éjecta n'est pas symétrique, toute la lumière n'est pas interceptée, il y a donc une limite MINIMALE de luminosié. MAIS dans le domaine gamma, la mesure de masse est plus fiable, peut-être.
Quid du profil des raies et de leur évolution. Un profil de raie est une cartographie des vitesse à différente profondeur de l'éjecta (ndt: c'est pourquoi Steve recommande de faire des graphes de profils spectraux en vitesse radiale par rapport à un référentiel plutôt qu'en Angstroems), mais aussi en 3D.
Une sphère de quelconque opacité a un profil de raie différent qu'un éjecta bipolaire. Une sphère a toujours par exemple de la matière qui se déplace transversalement, une éjection bipolaire pas toujours. Une source centrale qui illumine une sphère a toujours des photons interceptés, par si elle illumine un objet bipolaire – un photon peut s'achapper sans aucun effet, qu'il soit émit par la source centrale ou par l'éjecta lui-même.
Donc l'intensité à une vitesse radiale donnée (par rapport à l'observateur) pointe une position de l'éjecta – différente selon la géométrie. Nous savons cela à partir d'éjecta résolu. Ou dans le cas de T Pyx 2011 et V959 Mon 2012, c'est montré par le ratio entre le profile en émission par rapport à l'absorption. Vous pouvez avoir une émission pure sur le profile, sans absorption, si la matière est éjectée de faàon bipolaire avec une inclinaison importante par rapport à la ligne de visée de l'observateur. A l'inverse, vous aurez une absorption décalée seule si l'inclinaison est faible.
Quand l'éjecta s'étend, la densité diminue quelque soit la géométrie. La partie en émission dans le spectre s'accroît parce que ça devient moins dense et moins opaque. La différence de vitesse radiale au sein de l'éjecta s'ajoute à ceci: la périphérie a une vitesse plus grande et l'absorption associée a la plus grande vitesse radiale – l'absorption est donc fortement décalée vers le bleu par rapport aux parties internes.
Au début, si l'éjecta ne se recombine as, la zone d'absorption doit se décaler vers l'intérieur vers des densité plus élevée et des vitesses radiales plus faibles tandis que l'émission s'accroît. C'est exactement ce qui est vu actuellement dans vos spectres. Mais il y a un début de recombinaison visible par les raies Na I D (doublet du sodium) et les raies O I 8446. Cela s'arrêtera quand l'éjecta redeviendra opaque; nous sommes encore dans une phase de transition que vous pouvez voir après une explosion nucléaire quand la boule de feu ("fireball") semble se rétrécir.
Mais contrairement à un test d'explosion nuclaire, le système dans la nova n'est pas une atmosphère statique et les débris eux même changent. Tandis que l'éjecta devient plus opaque, il devrait y avoir une composante en aborption apparaissant sur toutes les raies en émission, se déplaçant vers l'extérieur (dont décalée vers des vitesses radiales négatives) alors que l'onde se déplace vers les régions externes.
En même temps, l'ionisation va changer et des ions métalliques plus bas (ex: Fe II) vont devenir plus forts. Cela se voit déjà sur les spectres (ndt: à droite de Hbeta).
Ensuite, ce qui arrive est essentiellement un effet de température. La profondeur optique (l'opacité relative) va continuer à diminuer après les recombinaisons totales et la matière va se ré-ioniser de nouveau.
Avant que cela se produise, il y un phénomène très important – mais très bref – qui va arriver. Si la densité est assez élevée et la température cinétique (gaz) assez basse, soit moins de 5000K, le gaz peut former des molécules. Les molécules les plus stables sont des radicaux simples comme CO, CN et CH. Dans UNE seule nova, la nova DQ Her 1934 formant de la poussière, CN a été observé à peu près maintenant par rapport au début de l'explosion; c'est resté visible pendant environ une semaine. Nous sommes à priori à un moment équivalent avec la nova Del 2013.
Je n'ai aucune idée si cela va arriver avec la nova Del 2013, mais si cela se produit alors il va y avoir de la poussière en formation sur 100 jours par des mécanismes que j'essayerai d'expliquer plus tard.
Ne pas oublier que la différence principale entre une nova et une supernova est la survie de la naine blanche. C'est une source chaude, radiative qui ionise l'éjecta de l'intérieur vers l'extérieur, exactement comme une nébuleuse planétaire. La zone interne (la photosphère qui se déplace) devient plus chaude et émet plus dans l'UV.
Cela provoque plus d'ionisation des couches au dessus, et il arrive un moment où l'éjecta est complètement ionisé. C'est alors que les raies d'émission apparaissent soudainement et il y a plus d'absorption optique – c'est le stade nébulaire classique des novae.
L'instant du début de cette phase dépend de la rapidité de la baisse de dentisé, donc de la vélocité et de la masse de l'éjecta ainsi que de la luminosité de la naine blanche. Dans le cas de la nova Del 2013, cela n'est pas encore connu. Mais une fois l'éjecta complètement transparent, le profil spectral nous donne une vue complète de la structure, même avant que le reste de la nova ne devienne visible (si il le devient).
Voilà un peu d'explications sur la nova Del 2013 en espérant ne pas vous avoir fatiguer. Il y aura un peu plus de précision dans quelques jours.
Et un peu plus d'explications sur le processus de formation des poussières et molécules:
La formation des molécules est une indication que la masse de l'éjecta est importante et que les températures locales sont suffisamment basses pour permettre cette formation de se produire. Le radical CN est connu des atmosphères stellaires, le Soleil par exemple, mais les densités sont plus importantes là pour des températures similaires. Sa présence indique aussi une surabondance de C et N par rapport aux abondance solaires (les références).
La poussière, au contraire, intervient plus tard quand la température est assez basse pour que des solides soient stables. C'est quelque chose que je dois expliquer dans une prochaine note car c'est un processus très général qui se produit aussi dans les vents stellaires et aussi dans les supernovae. C'est la raison de la forte baisse de luminosité de DQ Her.
Dans le cas des novae qui atteignent les même conditions mais avec des abondances et/ou masses différentes, la poussière ne se forme pas. Le processus n'est pas encore compris et reste une énigme depuis plusieurs décennies. La poussière est un problème général en astrophysique; nous savons qu'elle ne peut pas se former dans le milieu interstellaire. Les novae sont donc des laboratoires avec des conditions propices à leur formation; même si chaque nova est différente, cela permet de mieux cerner ce problème.