Il n'est pas vraiment courant d'utiliser un capteur couleur (à matrice de Bayer) pour prendre des spectres. C'est même normalement non recommandé...
Mais voila, la caméra ASI294MC pro (ZWO) est arrivée sur le marché avec son capteur Sony IMX294GJK.
Donc un capteur couleur, le seul défaut, car pour le reste :
Pixels relativement larges pour du CMOS (4,63 microns), 65000 e- de dynamique, numérisation sur 14 bits, rendement quantique au pic surement proche de 70% (ce qui m'a taper dans l'oeil c'est la noiceur du capteur, jamais vu cela pour les amateurs, signe que la lumière est bien absorbée, c'est ce qui m'a fait acheter cet objet sur le champ aux RCE de cette année !), très faible électroluminesence, et puis... le bruit. Voici mes mesures (avec réglage gain 20 dB) :
Canal rouge : gain (réciproque) de 0,362 e-/ADU, bruit de 1,49 e-
Canal vert : gain (réciproque) de 0,379 e-/ADU, bruit de 1,34 e-
Canal bleu : gain (réciproque) de 0,197 e-/ADU, bruit de 1,42 e-
Le gain est extraordinaire : rendez-vous compte, il suffit de 0,37 électrons pour sauter d'un ADU ! On s'approche aussi de l'électrons de bruit. Pour mémoire le capteur Kodak d'une ATIK460EX possède un bruit de 5,1 à 5,2 électrons. Avec les 1,4 électron du capteur Sony c'est comme si on multiplié la taille du télescope par deux en gros !
Quelques tests avec le spectrographe UVEX(3). Une image du Soleil, en couleur donc, restituée sans traitement particulier :

La dynamique d'affichage des images couleurs ne rend pas ce que le détecteur enregistre. Voici en forçant un peu :

Ici, il y a une très bonne nouvelle, le capteur laisse passer l'UV (raies H&K) et l'IR. Coté IR justement, en mettant un filtre d'ordre OG580 :

On voit le doublet du sodium dans le jaune (avantage du capteur, on a les "vraies" couleurs !). En forçant le contraste, on attrape sans problème le triplet du Ca II et on arrive jusqu'à 1 micron de longueur d'onde (en fait la matrice de Bayer fonctionne alors presque comme un capteur N&B) :

Et en poussant comme toujour du coté des faibles lumières, un truc que j'avais jamais vu avec un spectro de ce type :

...tout à droite, c'est l'ordre 3 du réseau que l'on observe, avec le sodium, cette fois dédoublé. C'est un cas d'école du principe de la sélection des ordres dans un spectrographe à réseau. Noter que toutes ces vues ont été réalisées sans effectuer la moindre refocalisation grave à l'achromatisme de UVEX.
Et maintenant passons aux choses sérieuses. Le spectre de l'étoile Castor pris avec UVEX(3) (fente 23 microns et réseau 300 t/mm), la caméra + ASI294MC le tout sur un C9.25 :

L'étoile est brillante, certes, mais le temps de pose est à noter. A vrai dire, la turbulence était si forte (5 arcsec au moins) que j'estime que le temps de pose effectif équivalent avec un seeing normal (2-3 arcsec) doit être de 4 à 5 secondes seulement !
La voisine, Pollux de type K0III :

Pour les sceptiques, qui pourraient penser qu'un capteur couleur doit générer des artefacts et du bruit, j'ai mis pour comparaison un spectre MILES d'étoile équivalente, en rouge. Tout est bon, on peut faire de la science avec un capteur CMOS couleur ! Le temps de pose est de moins d'une minutes et toujours avec un mauvais seeing).
L'étoile carbonée W Ori :

détails des parties faibles :

Une vue couleur du spectre 2D de cet objet :

(il y a ici un coté pédagogique qui est l'esprit d'un projet expérimental comme UVEX).
L'image spectrale de la nébuleuse d'Orion M42 :

et le profil (le pouvoir de résolution est de R = 1000 à 650 nm) :


(noter la détection de l'intense raie [OIII] à 3727 A avec un profil bien fin).
Tous ces traitement ont peu être faits avec ISIS en rusant un peu.
Pour un capteur non idéal, je trouv ces premiers tests fort encourageant (on imagine, ce que cela donnerait une version N&B !).
Même en couleur (donc par exemple 1 pixel actif sur 4 dans le bleu), j'ai trouvé une "pèche " dans les acquisitions brutes qui m'impressionnent, possible que ce soit aussi bon qu'une caméra ATIK460EX exploitée dans les mêmes conditions. A consolider bien sur. La clefs c'est que l'on est pas loin de compter les photons un à un...
Christian Buil